Hydrogène : brisons les mythes, faisons parler les faits
La France a dévoilé à la mi-avril 2025, la mise à jour de sa stratégie nationale pour l’hydrogène.
Un signal fort : la transition énergétique s’accélère, et l’hydrogène y occupe une place structurante. D’autres pays comme l’Allemagne, les États-Unis ou la Corée du Sud ont déjà pris de l’avance. Désormais, la vision de l’hydrogène est claire, le cadre réglementaire se structure et des moyens sont engagés pour permettre aux acteurs de la filière de s’industrialiser, en France comme en Europe.
Ces stratégies ne sont pas anecdotiques : l’hydrogène s’impose comme un levier stratégique pour décarboner l’économie, renforcer la souveraineté énergétique et industrielle, et soutenir les technologies européennes. Pourtant, dans le débat public, les idées reçues continuent d’alimenter la méfiance.
Voici cinq grands mythes, contredits par les faits, preuves terrain à l’appui.
Mythe #1 : « La décarbonation, ce n’est pas pour tout de suite »
FAUX. C’est pour maintenant — et c’est urgent.
Le sixième rapport du GIEC est sans appel : nous devons réduire d’au moins 43 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pour espérer contenir le réchauffement à +1,5°C. Reporter l’action, c’est prendre un retard irréversible sur les objectifs climatiques.
Parmi les secteurs les plus émetteurs : le transport, avec 30 % des émissions de CO2 en Europe, et près de 24 % au niveau mondial. La décarbonation de la mobilité n’est donc pas un choix, mais un impératif.
La décarbonation des transports repose sur trois piliers :
- La sobriété : repenser les usages et réduire les trajets superflus,
- Les énergies renouvelables : pour alimenter les nouvelles motorisations,
- La transition technologique : appliqué à la mobilité, cela inclut l’électrique et l’hydrogène, pour des véhicules neufs ou rétrofités (adaptation des véhicules thermiques existants à des motorisations décarbonées).
Pour réussir cette transition technologique, il faut :
- Accompagner les opérateurs de flottes dans leur transition vers une mobilité à faible émission, avec des véhicules, des infrastructures et des services fiables,
- Industrialiser l’ensemble de la chaîne de valeur des véhicules à hydrogène, que ce soit pour la fabrication de nouveaux véhicules ou l’adaptation des flottes existantes (rétrofit),
- Déployer des infrastructures de recharge d’hydrogène le long des grands axes routiers et dans les nœuds urbains, conçues pour le ravitaillement rapide de tous types de véhicules hydrogène.
Plusieurs projets se sont déjà concrétisés :
- À Givrand (France), deux camions-bennes H2 assurent la collecte des déchets, et se rechargent à une station fabriquée par Atawey,
- À Groningen (Pays-Bas), 20 bus H2 circulent et se rechargent à une station dédiée,
- En Allemagne, EDEKA teste des camions H2 pour la logistique alimentaire.
En résumé : Il y a urgence à décarboner la mobilité, et l’hydrogène fait déjà partie des solutions.
Mythe #2 : « La décarbonation de la mobilité se fera uniquement via les batteries »
FAUX. L’hydrogène complète les batteries, il ne les concurrence pas.
La transition technologique ne doit pas être dogmatique. L’efficacité prime sur la simplicité. Il n’y a pas une solution unique, mais des énergies adaptées aux usages :
- Les batteries sont parfaitement adaptées pour les trajets quotidiens des particuliers.
- Mais l’hydrogène est incontournable pour :
- Les services nécessitant un ravitaillement rapide et un fonctionnement continu,
- La mobilité intensive et professionnelle,
- Les véhicules lourds ayant des besoins de forte autonomie.
Il est donc nécessaire de développer des véhicules pour des flottes ciblées : taxis, bus et autocars, utilitaires, transport longue distance.
L’objectif : complémentarité énergétique et non rivalité.
Des cas concrets pour illustrer ces usages :
- À Paris, Hysetco opère 1 000 taxis H2 : 500 km d’autonomie, 5 min de recharge — idéal pour les usages intensifs.
- À Clermont-Ferrand, 14 bus H2 desservent une ligne urbaine soutenue par le SMTC-AC.
En résumé : pour une mobilité propre qui fonctionne pour tous, il faut des solutions adaptées aux usages et aux contraintes réelles.
Mythe #3 : « L’hydrogène ne décarbone pas, puisqu’il est fossile »
FAUX. Aujourd’hui en partie, mais demain, non.
La clé, c’est le mode de production. L’hydrogène carboné, produit à partir de gaz naturel ou de charbon est en déclin. L’avenir appartient à l’hydrogène vert ou bas-carbone, produit localement, à partir d’énergies renouvelables ou d’électricité bas carbone.
Parce que des territoires plus résilients passent par une énergie locale, propre et décarbonée, il est nécessaire de réduire la dépendance aux hydrocarbures importés et de laisser place à l’autonomie énergétique.
En ce sens, des projets d’écosystèmes regroupant production, distribution et usages émergent :
- À Vougy (France), le projet Arv’Hy combine production renouvelable, station et usages locaux et transfrontaliers.
- En Italie, un électrolyseur alimente à la fois une station de recharge et le réseau gazier local.
En résumé : Produire autrement, pas juste consommer autrement : c’est ça, la vraie transition.
Mythe #4 : « L’hydrogène est un gaspillage financier »
FAUX. C’est un investissement stratégique.
L’hydrogène n’est pas qu’un enjeu technologique : c’est un pilier de souveraineté industrielle. Dépendre moins du gaz ou du pétrole, c’est aussi renforcer notre tissu économique local et créer de la valeur locale.
Grâce à sa souveraineté industrielle, l’Europe (et plus particulièrement la France) peut s’appuyer sur une chaîne de valeur complète : électrolyseurs, stations, rétrofit, logistique, services. Du design à l’exploitation, chaque maillon peut être localisé.
Par exemple :
- En Espagne, le projet Catalunya H2 Valley crée une économie H2 intégrée : mobilité, industrie, stockage.
- En Allemagne, le mécanisme H2Global assure une demande stable à long terme, accélérant les investissements.
- En France :
- 100 000 emplois attendus en France d’ici 2035.
- A cet horizon, une filière qui pourra représenter 85 milliards € de PIB cumulé selon France Hydrogène.
En résumé : Le financement de l’hydrogène n’est pas un coût : c’est un investissement pour l’autonomie territoriale et la relance industrielle.
Mythe #5 : « L’hydrogène coûte trop cher »
FAUX. Le vrai problème, c’est le manque de passage à l’échelle.
Toutes les innovations industrielles ont commencé par être coûteuses. Mais les coûts de l’hydrogène chutent et continueront à chuter— à condition de structurer la demande et d’industrialiser la filière.
Comment faire baisser les coûts ?
- Produire plus, localement, à partir d’énergies renouvelables,
- Mutualiser les usages (mobilité + industrie),
- Soutenir les investissements industriels (électrolyseurs, stations, moteurs , véhicules neufs et rétrofités),
- Donner de la visibilité sur la demande à long terme (marchés publics, appels à projets).
Une stratégie qui marche :
- Le coût de production de l’hydrogène vert a chuté notablement ces dernières années, grâce à la baisse du prix des énergies renouvelables et aux progrès technologiques des électrolyseurs (baisse de 60% en 1 décennie, de 2010 à 2020).
- Les modèles économiques de la logistique captive et du transport lourd sont proches de la rentabilité,
- Dans le cadre du développement de la filière hydrogène, plusieurs projets européens ont vu le jour pour regrouper les commandes de véhicules ou d’infrastructures à travers différents pays ou régions. L’objectif est de :
- Créer un effet d’échelle,
- Réduire les coûts d’achat pour chaque acteur,
- Standardiser les solutions techniques,
- Accélérer l’industrialisation de la chaîne de valeur.
En résumé : Le vrai défi, ce n’est pas tant le prix de l’hydrogène à court terme— c’est de ne pas aller assez vite pour en faire une solution abordable.
En conclusion, l’hydrogène est déjà à l’œuvre, dans les territoires, les flottes, les infrastructures. C’est une technologie clé, une solution durable, un choix stratégique.
Il est temps de :
- Sortir des idées reçues,
- Agir avec lucidité,
- Faire de l’hydrogène un outil collectif pour réussir la transition.