
Mobilité verte : Le rôle de l’hydrogène dans la transition technologique
Face à l’urgence climatique, la mobilité verte s’impose comme un levier essentiel pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, les transports représentent environ 21 % des émissions mondiales de CO₂ (31% des émissions europénnes)[1], principalement en raison de leur dépendance aux énergies fossiles. La transition vers une mobilité bas carbone repose sur plusieurs solutions : la sobriété énergétique, la transition technologique (électrique et hydrogène) et l’utilisation des énergies renouvelables.
Si la mobilité électrique est idéale pour les trajets courts et urbains, la mobilité hydrogène constitue une alternative pertinente pour les usages intensifs. Mais avant de se pencher sur ces technologies, il est essentiel d’aborder un élément clé de la transition : la sobriété énergétique
La sobriété énergétique : un pilier de la mobilité verte
La décarbonation des transports ne peut reposer uniquement sur l’innovation technologique. L’adoption d’une mobilité plus sobre est un enjeu majeur pour limiter l’empreinte carbone globale.
Qu’est-ce que la sobriété énergétique ?
La sobriété énergétique vise à réduire la consommation d’énergie en optimisant les usages et en modifiant les comportements. Dans le domaine des transports, cela se traduit par :
- Le développement des mobilités douces (marche, vélo, trottinettes) pour les trajets courts.
- L’essor des transports en commun pour réduire l’utilisation des voitures individuelles.
- Le covoiturage et l’autopartage pour maximiser l’utilisation des véhicules existants.
- L’urbanisme repensé pour limiter les déplacements inutiles (concept de la ville du quart d’heure, télétravail, etc.).
Sobriété et véhicules décarbonés : un duo gagnant
Si la mobilité décarbonée repose sur l’électrique et l’hydrogène, elle ne doit pas pour autant inciter à une surconsommation énergétique. Un véhicule, même propre, nécessite des ressources pour sa fabrication (métaux rares, batterie, hydrogène). L’enjeu est donc double : réduire les usages superflus et décarboner les véhicules.
Mobilité électrique et hydrogène : deux solutions complémentaires
Plutôt que d’opposer mobilité électrique et mobilité hydrogène, il est essentiel de comprendre leurs spécificités, et donc leur complémentarité.
- La mobilité électrique (batteries lithium-ion) est idéale pour les véhicules légers personnels et les trajets courts, notamment en ville.
- La mobilité hydrogène, quant à elle, répond mieux aux besoins intensifs industriels et professionnels : camions, trains, bateaux, autocars ou encore logistique lourde.
Autre enjeu clé : l’impact sur le réseau électrique. Une généralisation des voitures électriques entraînerait une demande accrue d’électricité, ce qui pourrait saturer les infrastructures existantes. L’hydrogène permet de répartir la charge énergétique, notamment grâce au power-to-gas, une technologie qui transforme l’électricité excédentaire issue des énergies intermittentes en hydrogène pour un usage ultérieur. Un avantage clé pour la mobilité verte, puisque les énergies renouvelables (solaire, éolien, etc.) sont, par nature, intermittentes.
La mobilité électrique : une solution pour le quotidien des particuliers
Les véhicules électriques à batterie (BEV) sont aujourd’hui la solution la plus répandue pour réduire les émissions de CO₂ des transports individuels. Ils sont idéaux pour les trajets maison-travail.
✅ Avantages des véhicules électriques :
- Meilleur rendement énergétique : environ 80 % de l’électricité est convertie en énergie motrice (contre 30 % pour un moteur hydrogène).
- Technologies avancées : une offre de véhicules qui s’est bien développée ces dernières années.
- Recharge facilitée : possibilité de recharger à domicile ou sur des bornes publiques.
❌ Limites des véhicules électriques :
- Temps de recharge : une charge complète prend plusieurs heures, même sur des bornes rapides.
Dépendance au réseau électrique : une adoption massive des BEV peut exercer une pression importante sur les infrastructures énergétiques.
La mobilité hydrogène : pour les usages intensifs
Contrairement aux véhicules électriques à batterie, les véhicules à hydrogène (FCEV) utilisent une pile à combustible qui transforme l’hydrogène en électricité. Cette technologie est particulièrement adaptée aux usages intensifs, à la mobilité lourde, et aux longues distances (poids lourds, flottes professionnelles de type taxis).
✅Avantages des véhicules hydrogène :
- Recharge rapide : un plein d’hydrogène se fait en moins de 5 minutes, contre plusieurs heures pour un véhicule électrique léger.
- Autonomie élevée : les poids lourds et bus à hydrogène peuvent parcourir 600 à 800 km sans recharge.
- Charge utile : l’hydrogène nécessite une batterie plus petite que les véhicules électriques, laissant ainsi plus d’espace et de poids pour le transport de passagers ou de marchandises / déchets.
- Soulagement du réseau électrique : contrairement aux batteries, l’hydrogène peut être produit et stocké indépendamment du réseau électrique.
❌ Limites des véhicules hydrogène :
- Coût de production élevé : l’hydrogène vert reste plus cher que l’électricité issue des énergies renouvelables.
- Maturité technologique : la technologie étant plus récente que pour les véhicules à batterie, l’offre de véhicules est plus restreinte et le réseau de stations hydrogène est en développement.
Les usages intensifs de l’hydrogène se répartissent en trois catégories :
Transports routiers et urbains
L’hydrogène est une alternative idéale pour les véhicules lourds, notamment ceux ayant des usages captifs (flottes dédiées opérant dans des zones spécifiques) ou des usages de transit (transport longue distance et fret).
- Transports de personnes : taxis, bus urbains et interurbains.
- Transports de déchets : bennes à ordures ménagères (BOM).
- Transports routiers : camions de fret longue distance, autocars.
Engins spécialisés
L’hydrogène se prête aussi aux véhicules utilisés en continu et/ou avec des enjeux de charge lourde en milieu industriel ou sur des sites isolés.
- Engins de manutention : chariots élévateurs, équipements logistiques en entrepôt…
- Engins de chantier : pelleteuses, bulldozers, grues, camions de mine…
Transports ferroviaires, maritimes et aériens
L’hydrogène est particulièrement prometteur pour des moyens de transport non électrifiés.
- Trains : particulièrement utile pour les lignes non électrifiées où les locomotives diesel sont encore utilisées.
- Bateaux : ferries, porte-conteneurs à hydrogène.
- Aviation : développement de l’aviation à hydrogène pour les courts et moyens courriers.
Grâce à son autonomie élevée et son temps de ravitaillement rapide, l’hydrogène permet d’assurer une continuité de service indispensable aux professionnels du transport et de la logistique.
Zoom sur les différences entre un véhicule électrique et un véhicule hydrogène
Critère | Véhicule électrique à batterie | Véhicule à hydrogène |
Source d’énergie | Batterie lithium-ion | Pile à combustible (hydrogène) |
Rendement énergétique | ~80 % | ~30 % (pertes lors de la production et conversion) |
Temps de recharge | 30 min à plusieurs heures | ~ 5 minutes (véhicules légers) ~ 20 minutes (véhicules lourds) |
Autonomie moyenne | 300 – 500 km | 600 – 800 km |
Émissions locales | Aucune | Aucune (seulement de la vapeur d’eau) |
Infrastructures | Bornes de recharge nombreuses | Stations hydrogène limitées |
Usages pertinents | Trajets courts et quotidiens | Usages intensifs et longues distances |
Données 2024
Ces différences montrent que ces deux solutions ne s’opposent pas mais sont complémentaires, répondant à des besoins spécifiques.
De plus, les conditions climatiques et topographiques ont un impact significatif sur la performance et l’efficacité des véhicules électriques (BEV) et des véhicules à hydrogène (FCEV). Ces facteurs influencent notamment l’autonomie, la consommation d’énergie et la fiabilité des deux technologies.
Par exemple, à des températures proches de 0°C, les batteries lithium-ion perdent jusqu’à 20-40 % d’autonomie, principalement à cause de :
- La diminution de l’efficacité chimique des cellules de batterie.
- La consommation d’énergie supplémentaire pour le chauffage de l’habitacle.
- Une recharge plus lente en raison de la viscosité accrue des électrolytes dans la batterie.
Les piles à combustible sont, quant à elles, moins sensibles au froid, car leur fonctionnement repose sur une réaction chimique (hydrogène + oxygène), qui produit de la chaleur en fonctionnement. Le ravitaillement reste rapide même par temps froid, contrairement aux batteries qui prennent plus de temps à charger. Cependant, l’eau générée par la pile à combustible peut geler dans des conditions extrêmes, nécessitant des systèmes de gestion thermique adaptés.
De plus, en cas de forte chaleur (+35°C), les batteries peuvent surchauffer, réduisant leur efficacité et accélérant leur vieillissement. Des systèmes de refroidissement actifs sont nécessaires, ce qui consomme de l’énergie et réduit l’autonomie.
Enfin, les piles à combustible gèrent mieux la chaleur grâce à un système de refroidissement liquide. Cependant, la compression et le stockage de l’hydrogène peuvent être impactés par des températures extrêmes, nécessitant des infrastructures adaptées.
Les défis du développement de la mobilité hydrogène
Le coût de production et l’industrialisation
L’hydrogène vert, bien que prometteur, est encore coûteux à produire. Toutefois, l’investissement massif des gouvernements et des industriels vise à réduire son coût dans les prochaines années, grâce au développement technologiques conjugués au passage à l’échelle.
L’infrastructure de ravitaillement
Le réseau de stations hydrogène est un réseau en construction. En France, 80 stations étaient en service à la fin 2024 et 90 autres étaient en projet.
La question du rendement énergétique
L’hydrogène a un rendement inférieur à celui des batteries électriques (30 % contre 80 %), ce qui signifie que plus d’énergie est nécessaire pour produire et utiliser l’hydrogène. Son atout principal réside dans sa capacité à stocker et transporter l’énergie sur de longues distances.
Perspectives et avenir de la mobilité hydrogène
Avec l’augmentation de la production d’hydrogène vert et le développement des infrastructures, l’hydrogène est amené à jouer un rôle clé dans la mobilité bas carbone. Pour favoriser son adoption, la filière a besoin :
- D’un cadre réglementaire clair et des politiques incitatives pour encourager son adoption dans les transports.
- Des investissements massifs pour réduire les coûts de production.
- D’industrialiser sa chaîne de valeur hydrogène pour démocratiser ses usages.
En conclusion, la transition vers une mobilité verte repose sur trois piliers :
- La sobriété énergétique pour réduire les déplacements inutiles et privilégier les mobilités douces.
- L’électrification des transports pour limiter l’usage des énergies fossiles.
- L’essor de l’hydrogène pour les usages intensifs et industriels.
Plutôt que de choisir entre mobilité électrique et mobilité hydrogène, il est essentiel d’adopter une approche mixte qui s’adapte aux besoins spécifiques. En combinant sobriété, électrification et hydrogène, nous pourrons bâtir un système de transport véritablement décarboné.
[1] Source AIE (2022)