
Développer l’hydrogène bas carbone : Opportunités et défis
Hydrogène bas carbone : pourquoi l’Europe mise dessus ?
L’hydrogène est considéré comme une alternative prometteuse aux énergies fossiles. Son impact environnemental dépend toutefois fortement de son mode de production. On distingue :
- L’hydrogène carboné (ou gris), produit à partir d’énergies fossiles ;
- L’hydrogène bas carbone, dont les émissions de CO₂ sont limitées ;
- L’hydrogène renouvelable (ou vert), issu exclusivement de sources d’énergie renouvelable.
Aujourd’hui, l’hydrogène gris domine encore, malgré un bilan carbone toujours trop élevé.
Le développement de solutions bas carbone est donc essentiel pour amorcer une véritable transition. Moins émetteur que l’hydrogène d’origine fossile, il pourrait jouer un rôle clé dans la décarbonation de secteurs difficiles à électrifier. Mais son essor implique de surmonter plusieurs défis techniques, économiques et réglementaires.
L’hydrogène bleu : carboné ou bas carbone ?
Produit à partir de gaz naturel via un procédé appelé vaporeformage, l’hydrogène bleu se distingue du gris par l’ajout d’un système de capture et stockage du CO₂.
Ainsi, la majorité des émissions de CO₂ générées (plus de 94%) est captée et stockée grâce à la technologie de capture et de stockage du carbone (CCS – Carbon Capture and Storage en anglais). C’est une solution de transition, utilisant des infrastructures existantes – les procédés de vaporeformage et de CCS sont tous deux technologiquement matures, mais encore peu déployés conjointement à grande échelle – tout en réduisant significativement les émissions.
L’hydrogène bleu peut être considéré comme bas carbone, à condition de descendre sous le seuil d’émissions fixées par la taxonomie (c’est-à-dire 3,38 CO2éq par kilogramme d’hydrogène produit).
Rose, vert, blanc : les différentes manières d’obtenir de l’hydrogène bas carbone
L’hydrogène bas carbone peut être produit de plusieurs façons, avec des impacts environnementaux et des niveaux de maturité technologique variables.
L’hydrogène rose : nucléaire et pilotabilité
L’hydrogène rose est produit par électrolyse, en utilisant de l’électricité d’origine nucléaire. Ce mode de production consiste à séparer la molécule d’eau (H2O) en hydrogène (H2) et en oxygène (O2) grâce à un courant électrique. Il n’émet pas de CO₂ direct et s’appuie sur une énergie stable et pilotable, contrairement aux sources renouvelables et intermittentes. Il constitue un axe de décarbonation de la production non négligeable dans des pays comme la France, où le nucléaire occupe une place importante dans le mix énergétique.
L’hydrogène vert : bas carbone ET renouvelable
L’hydrogène vert est produit par électrolyse à partir d’électricité renouvelable (solaire, éolien, hydraulique ou biomasse).
Ce mode de production décarboné permet de le qualifier d’« hydrogène vert » ou « renouvelable ».
L’hydrogène blanc : une ressource naturellement présente
Encore en phase exploratoire, l’hydrogène blanc est naturellement présent dans la croûte terrestre.
Formé par des réactions géologiques comme l’oxydation de minéraux, il peut être extrait sans émissions de CO₂. Potentiellement abondant et peu émetteur, il reste marginal et mal connu, avec une seule exploitation pilote active au Mali.
L’hydrogène bas carbone : pour quels usages ?
Loin de se limiter à un seul usage, l’hydrogène occupe une place centrale dans plusieurs secteurs stratégiques.
Une solution pour les secteurs difficiles à électrifier
Certains secteurs, dits “hard to abate”, sont complexes à décarboner en raison, d’une part, de leurs besoins énergétiques élevés et, d’autre part, des limites actuelles des technologies électriques, ne permettant pas de répondre à certaines contraintes.
L’hydrogène trouve donc des applications dans des secteurs comme :
- Industrie lourde (sidérurgie, chimie, ciment, raffinage, production d’engrais) : pour remplacer le charbon, le gaz ou décarboner l’hydrogène gris déjà utilisé ;
- Aéronautique et maritime : pour des carburants à haute densité énergétique ;
- Mobilité lourde et intensive (camions, trains non électrifiés, bus et autocars, fourgons) : pour bénéficier d’une grande autonomie et d’un ravitaillement rapide, que n’offre pas la technologie électrique, le tout en conservant une capacité d’emport maximale.
Hydrogène bas carbone : en quelle quantité ?
En 2023, l’hydrogène bas carbone représentait à peine 1 % de la demande mondiale d’hydrogène, qui dépassait pourtant les 97 millions de tonnes.
D’après son plan REPowerEU [1], l’Europe vise à produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable d’ici 2030, et à en importer autant.
Les perspectives pour l’hydrogène bas carbone sont donc prometteuses, à condition de réduire les coûts, construire les infrastructures nécessaires et bénéficier d’un soutien public.
Hydrogène bas carbone : le compromis coût-émissions accélérant la transition énergétique
L’intérêt de l’hydrogène bas carbone réside dans sa réduction d’émissions significative par rapport à l’hydrogène gris, à un coût plus accessible que l’hydrogène vert.
Un bon élève sur le plan climatique
La Directive sur les Energies Renouvelables (RED) de l’Union européenne définit un hydrogène bas carbone comme émettant moins de 3,38 kg CO₂éq/kg. À titre de comparaison, l’hydrogène gris émet entre 10 et 28 kg CO₂éq/kg.
Des coûts de production compétitifs face à l’hydrogène renouvelable
Produire un kilo d’hydrogène vert coûte aujourd’hui entre 4 et 7 euros (source : Hydrogen Europe [2]), contre 1 à 3 euros (source : Hydrogen Council [3]) pour l’hydrogène gris, encore dominant. Ce surcoût s’explique par le prix de l’électricité renouvelable et l’efficacité limitée de l’électrolyse.
L’hydrogène bas carbone, proposé entre 1 et 3 euros/kg (source : Hydrogen Council [3]), apparaît comme un compromis viable, conciliant réduction des émissions de CO₂ et compétitivité.
Un cadre réglementaire européen favorisant l’hydrogène bas carbone
Depuis 2025, l’hydrogène rose est officiellement reconnu comme bas carbone par l’Union européenne, permettant aux acteurs du secteur nucléaire de mobiliser des financements. Les initiatives comme REPowerEU, le Green Deal ou Fit for 55 fixent des objectifs ambitieux et favorisent les investissements dans l’hydrogène bas carbone, tout en imposant des normes strictes sur les émissions de CO₂.
En conclusion, l’hydrogène bas carbone, qu’il soit rose, blanc ou vert (voire bleu, quand il répond aux exigences de la taxonomie), représente une solution stratégique pour atteindre nos objectifs climatiques. Il permet de réduire les émissions tout en répondant aux contraintes économiques et techniques.
Son développement à grande échelle nécessitera :
- Des coûts compétitifs face aux énergies fossiles ;
- Des investissements dans les infrastructures ;
- Un cadre réglementaire clair et incitatif.
[2]Hydrogen Europe – Clean Hydrogen Monitor – Novembre 2024
[3] [Hydrogen Council – Closing the cost gap – March 2025